Autre trouvaille tirée du livret Prier la Parole. Un texte qui ouvre des espaces inédits. Une «Prière pour le Carême» encore de mise alors que nous abordons la Sainte Semaine.
Nous sommes si souvent dans l’à-côté de nos vies, dans la nasse de nos impasses, dans le désert de nos «dès-êtres»… Comme elle est sèche. Seigneur, et fragile, l’argile de notre cœur sur laquelle Tu viens, sans relâche, blesser la paume de tes douces mains de potier! Nous errons si souvent, l’âme en panne, tristes témoins d’une création en nous interrompue, sous le poids des rocs de nos piètres tombeaux. Ardente lutte, au gré de nos vies incertaines, entre la pesanteur et la Grâce…
Nous sommes, Tu le sais bien, Seigneur, un peuple à la tête dure, petite horde de fuyards qui, sans cesse, hésite entre le feu brûlant de la liberté et les mirages anesthésiants de l’esclavage. Nous sommes des hommes et des femmes du clair-obscur, de l’entre-deux, de «l’entre-Dieu», des intermittents de la foi, des «mécréants» récitant le credo de leurs doutes, des marcheurs pétrifiés, apeurés par l’exode auquel, sans relâche pourtant, Tu nous invites et qui nous mènera, de nuit, à l’intime, en cette chambre secrète où, Toi, l’Éternel patient, Tu nous attends et nous espères… Bienheureuse marche au désert qu’il nous faut oser, malgré nos peurs et nos fragilités; sans attendre… Car Tu n’es pas le Dieu de l’en-haut, hautain et condamnant, mais le Dieu de l’en-bas qui, du bois mort de toutes nos faiblesses, fait secrètement germer l’arbre flamboyant de notre vie nouvelle…
Bienheureuse aridité du désert qui émonde, élague et unifie. Bienheureuse soif de la Soif… Bienheureux désir du Désir… Le Carême n’est rien moins que le faim de la Faim… Quarante jours, quarante nuits, pour qu’enfin, tel le voile du Temple, se déchirent nos robes de tristesse… Quarante jours, quarante nits, pur que tombent les oripeaux de nos angoisses, et qu’enfin nues, désirantes et désirables, nos âmes marchent et dansent vers la Joie imprenable
(Texte de Bertand Révillon, tiré de Prier la Parole, mars-avril 2020 p.37 qu'on peut retrouver aussi ici.
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