J’oserais même affirmer qu’il est bon de s’attendre à l’inattendu, de s’y préparer. Magnifique paradoxe ! Compter avec ce qui est imprévu, imprévisible - non pas, bien entendu, à la manière d’un dû - mais pour cultiver un espace d’ouverture et de joyeuse incertitude. Renoncer à ses prétendus savoirs, à ses « je la connais par cœur » ou « je sais ce qu’elle va dire ». Abandonner l’illusion de connaître l’issue des événements à l’avance, de deviner les pensées et les réactions de l’autre. Eviter les prédictions qui enferment, rétrécissent notre disponibilité et réduisent le champ des possibles.
Dans mon travail d’aumônière, il m’arrive d’hésiter à aller vers une personne atteinte de démence profonde. N’est-il pas vain de l’approcher alors qu’elle semble perdue, dans son monde ? Or, voici qu’aujourd’hui, justement, elle m’offre un sourire venu tout droit d’un autre monde et qu’au milieu de paroles incompréhensibles, une phrase d’autrefois lui revient : « Et toi, comment ça va ? » Joie de cueillir cet instant, de goûter cet échange, de le savourer comme un cadeau du ciel.
Et si cette ouverture à l’inattendu était une autre façon de nommer l’indifférence ignatienne ? Pour Ignace de Loyola, l’indifférence est une sorte d’ « antiadhésif » : celui ou celle qui est dans l’indifférence ne peut plus « coller » à qui ou à quoique ce soit, y compris à ses propres certitudes. L’indifférence lui permet de se mouvoir dans un espace de liberté et d’ouverture intérieures. En devenant indifférents, libres, nous nous rendons disponibles à l’inattendu de Dieu et de ses visites.
Marie l’a expérimenté lors de l’Annonciation et en bien des occasions. De surprise en surprise, elle a continué à faire confiance jusqu'à l’incroyable : voir dans le tombeau vide d’un certain matin de Pâques le signe de la vie elle-même, lire dans l’absence du corps de Jésus la promesse d’une présence que plus rien ne pourra restreindre.
Car rien n’est impossible à Dieu…
Véronique Lang
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