vendredi 16 août 2019

L'inattendu de Dieu

Comme vous, peut-être, j’aime bien mes habitudes : vaquer aux occupations matinales dans un certain ordre, emprunter le même trajet pour me rendre au travail, écouter la radio tout en conduisant. Ces rituels quotidiens me procurent un sentiment de sécurité et de bien-être. Et pourtant ! Il me semble que Dieu vient souvent à nous dans l’inattendu, ce qui n’était pas prévu. Il affectionne, dirait-on, les surprises et les chemins de traverse.

J’oserais même affirmer qu’il est bon de s’attendre à l’inattendu, de s’y préparer. Magnifique paradoxe ! Compter avec ce qui est imprévu, imprévisible - non pas, bien entendu, à la manière d’un dû - mais pour cultiver un espace d’ouverture et de joyeuse incertitude. Renoncer à ses prétendus savoirs, à ses « je la connais par cœur » ou « je sais ce qu’elle va dire ». Abandonner l’illusion de connaître l’issue des événements à l’avance, de deviner les pensées et les réactions de l’autre. Eviter les prédictions qui enferment, rétrécissent notre disponibilité et réduisent le champ des possibles.

Dans mon travail d’aumônière, il m’arrive d’hésiter à aller vers une personne atteinte de démence profonde. N’est-il pas vain de l’approcher alors qu’elle semble perdue, dans son monde ? Or, voici qu’aujourd’hui, justement, elle m’offre un sourire venu tout droit d’un autre monde et qu’au milieu de paroles incompréhensibles, une phrase d’autrefois lui revient : « Et toi, comment ça va ? » Joie de cueillir cet instant, de goûter cet échange, de le savourer comme un cadeau du ciel.

Et si cette ouverture à l’inattendu était une autre façon de nommer l’indifférence ignatienne ? Pour Ignace de Loyola, l’indifférence est une sorte d’ « antiadhésif » : celui ou celle qui est dans l’indifférence ne peut plus « coller » à qui ou à quoique ce soit, y compris à ses propres certitudes. L’indifférence lui permet de se mouvoir dans un espace de liberté et d’ouverture intérieures. En devenant indifférents, libres, nous nous rendons disponibles à l’inattendu de Dieu et de ses visites.

Marie l’a expérimenté lors de l’Annonciation et en bien des occasions. De surprise en surprise, elle a continué à faire confiance jusqu'à l’incroyable : voir dans le tombeau vide d’un certain matin de Pâques le signe de la vie elle-même, lire dans l’absence du corps de Jésus la promesse d’une présence que plus rien ne pourra restreindre.

Car rien n’est impossible à Dieu…
Véronique Lang